L’usage de cette roche emblématique du Val de Loire remonte à la période gallo-romaine : les premières carrières à ciel ouvert en sont la preuve ! Grâce à la marine de Loire, elle s’est également exportée au-delà des frontières régionales.
Pourquoi un tel succès ? Le tuffeau est une roche poreuse, ce qui la rend à la fois légère et solide. Sa texture veloutée, qui évoque davantage un tissu qu’une pierre, et ses teintes claires et chaleureuses apportent du cachet aux villages de la vallée de la Loire.
On l’utilise le plus souvent comme pierre de taille, notamment pour les façades visibles, les chaînages d’angle et les encadrements de menuiseries des maisons bourgeoises. Mais la tendresse de la roche offre aussi toute latitude aux sculpteurs pour exercer leur art. Ainsi, corniches, moulures, pilastres, chapiteaux, frises s’exposent partout, aussi bien sur les façades des maisons que sur celles des châteaux les plus prestigieux.
L’omniprésence du tuffeau et de ces éléments sculptés ou moulurés donne à la région une véritable unité architecturale ; même si les manières de construire peuvent varier localement. Dans le Richelais par exemple, les moellons calcaires (petites pierres à bâtir) remplacent la pierre de taille. L’influence architecturale du Poitou tout proche est aussi visible sur les toitures, parfois recouvertes de « tuiles canal » (des tuiles creuses, le plus souvent en terre cuite) et non d’ardoises.
Partout sur le territoire, le raffinement des constructions en tuffeau témoigne des savoir-faire consolidés au fil des siècles. Tout un panel de métiers s’est développé autour de cette activité, comme la taille de la pierre qui permet d’orner les constructions contemporaines et de restaurer les édifices anciens. Car le principal défi, depuis le remplacement du tuffeau par des matériaux plus modernes, est la transmission de ce savoir-faire ancestral et la réhabilitation des monuments les plus emblématiques du territoire : l’abbaye de Fontevraud, la collégiale de Candes-Saint-Martin, les châteaux d’Azay-le-Rideau, Saumur, Chinon, Villandry, etc.
Géologie et extraction du tuffeau
Le tuffeau de Touraine, appelé aussi tuffeau de Saumur, a largement été utilisé au cours des siècles, en particulier à la Renaissance pour ériger les grands châteaux de la Loire. On l’emploie encore pour la restauration des grands monuments (d’Orléans à Saint-Nazaire et de Poitiers à Rennes), ainsi que pour la réhabilitation de bâti ancien, principalement des habitations.
C’est une pierre calcaire, constituée par l’accumulation et le tassement de sédiments aquatiques. Les particules fossiles se cimentent entre elles, formant une roche aujourd’hui âgée de 90 millions d’années. Son épaisseur peut aller jusqu’à une quarantaine de mètres !
Pour extraire le tuffeau, on creusait des galeries dans le coteau. Les carriers dégageaient d’immenses dalles pré-taillées sur place puis charriées jusqu’au fleuve. Entreposés sur les quais, les blocs étaient lavés par les crues, puis chargés dans les gabares qui les acheminaient le long de la Loire. Ce mode d’extraction a donné naissance au troglodytisme : peu à peu, les carriers ont récupéré ces galeries désaffectées pour leur usage personnel.
On rencontre trois variétés de tuffeau sur le territoire :
- Le tuffeau blanc est la pierre d’œuvre la plus noble, utilisée pour édifier les grands monuments et les riches demeures.
- Le tuffeau jaune est plus sableux. En Touraine, on l’utilisait dans la construction d’habitat rural, pour l’entretien des digues de Loire et pour les fondations de certains bâtiments.
- Le tuffeau gris, avec ses reflets bleutés, se retrouve entre Saumur et Gennes. Il est plus fragile, et a surtout servi à la fabrication de chaux hydraulique.
L’extraction est quasiment stoppée dans les années 1950. Elle reprend en 1964 à la demande d’un architecte des Monuments Historiques, a dans une carrière du Saumurois pour rénover l’abbaye de Fontevraud.
Les métiers du travail de la pierre
Les carriers
Extraire le tuffeau est un travail éprouvant et dangereux réservé aux carriers (ou « perreyeux » selon les régions). Pendant longtemps, il est l’affaire de paysans qui s’assurent un complément de revenus pendant l’hiver. Mais la demande augmente fortement au cours du XIXe siècle, et l’exploitation se professionnalise : vers 1850, Montsoreau compte 500 perreyeux pour 800 habitants ! Mais au début du XXe siècle, la concurrence de nouveaux matériaux de construction entraîne le déclin de l’activité et la fermeture des carrières.
Le tailleur de pierre
Le tailleur de pierre travaille le bloc de tuffeau pour le rendre rectiligne et calibré : c’est lui qui façonne ce qu’on appelle la « pierre de taille »qui composera les murs, voûtes, arcs de portes et fenêtres, escaliers… Avant la taille, il réalise une épure pour savoir quel tracé suivre lors de la découpe du bloc. Le tailleur de pierre connaît donc le dessin technique et le dessin d’art, les différents courants architecturaux… Sur le territoire du Parc, l’omniprésence du tuffeau implique la maîtrise de certaines techniques de taille et des outils associés, comme le chemin de fer, sorte de rabot composé de lames en acier pour réaliser le surfaçage d’éléments en pierre tendre.
Le sculpteur
Le tuffeau est facile à travailler. La majorité des bâtiments étant construits de cette pierre, les sculpteurs de la région ont eu de nombreux supports d’expression : bas-reliefs (sur lesquels le motif se détache faiblement du fond), haut-relief (où la sculpture est partiellement attachée au fond) et statues. Pour créer son œuvre, le sculpteur taille la masse au ciseau en suivant un croquis.
Les défis de la réhabilitation
Réhabiliter les bâtiments d’autrefois avec les savoirs et contraintes d’aujourd’hui n’est pas une mince affaire : cela nécessite une excellente connaissance de la pierre et une maîtrise des méthodes traditionnelles locales. Par exemple, la grande porosité du tuffeau le rend vulnérable au gel et à l’humidité. Pour éviter que la pierre n’éclate, quelques précautions sont donc nécessaires.
L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments est aujourd’hui une priorité nationale. Mais l’isolation de constructions anciennes en tuffeau pose quelques défis techniques aux professionnels du bâtiment. Des réaménagements inadaptés peuvent dégrader la qualité du bâtiment, et entraîner des problèmes d’humidité, un manque de régulation de la chaleur l’hiver, et plus généralement des pathologies sur la pierre comme des moisissures.
Petit à petit, un véritable savoir-faire de la réhabilitation écologique et de la rénovation énergétique se constitue, qui respecte pleinement la spécificité du tuffeau. Les maisons anciennes gagnent en confort, tout en laissant le tuffeau respirer. Les entreprises du bâtiment jouent un rôle de premier plan dans ce domaine : elles œuvrent à la transmission des techniques, notamment par le biais du compagnonnage.
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