Troglo et raffinement à Marson
Nous partons de bon matin vers la rive gauche de la Loire, près de Saumur, à travers la campagne. En chemin, nous improvisons un arrêt dans un petit village qui nous séduit d’emblée par son authenticité. Bienvenue à Marson, dominé par un imposant château néo-Renaissance, et capitale de la "fouée". C'est ici, en effet, qu'une association a relancé cette spécialité régionale, en 1978. Un restaurant troglodytique a d’ailleurs fait sa spécialité de ces petits pains creux que l’on ouvre, tout fumants, pour les garnir de rillettes, fromage de chèvre…
Nous n’avons pas le temps de nous enfoncer sur le sentier de randonnée (8 km, comptez deux bonnes heures), car nous sommes attendus au Thoureil pour une virée sur la Loire. Mais nous jetons quand même un œil au sentier botanique et à l’adorable petite église rustique.
Farine à l’ancienne au moulin de Sarré
À 20 min en voiture (16 km), nous faisons une halte au moulin de Sarré. Seul parmi neuf moulins à tourner encore sur le ruisseau d’Avort, ce moulin à eau se visite. Il a traversé neuf siècles et est exploité par la famille Lauriou depuis 1908.
À la boutique, nous faisons le plein de bon pain (vendu le mercredi et le vendredi) et de farine écrasée à la meule de pierre, une méthode traditionnelle.
Au Thoureil, "Petite cité de caractère"
En repartant sur la D70, nous remarquons une jolie petite loge de vigne bien restaurée. Nous jetons un œil à l’intérieur de cette petite cabane en tuffeau conçue pour abriter le vigneron et son cheval avant de reprendre la route.
En 15 min à peine, nous voici au Thoureil. Nimbé des lumières matinales de la Loire, ce village de marinier étire ses belles maisons de tuffeau dans un paysage emblématique. Le clocher remarquable du 13e siècle se détache dans un ciel que l’on devine incertain. L’église, dont la base a été usée par les crues, arbore de nouveaux vitraux.
Marins d’eau douce : tous sur la toue !
Dans l’ancien port qui évoque l’âge d’or de la batellerie ligérienne, nous embarquons avec Alain sur sa solide toue sablière, Rêves de Loire, la bien nommée. Nous sommes amarrés à un futreau qui sert d’annexe. C’est parti pour 2h de navigation sur le thème du patrimoine et de la nature. À bord, les volontaires sont mis à contribution. Mon mari largue les amarres et tient la barre avec enthousiasme : cap sur Saint-Mathurin ! Ça se corse un peu quand Alain décide de hisser la voile avec un vent de travers un peu facétieux ! On se répartit les cordages, on tire à gauche, on donne du mou à droite ! On coupe le moteur : nous voilà au rythme d’autrefois.
Des kayakistes tombent à l’eau : heureusement, sa température affiche 21 °C et la profondeur n’est que de 1,70 m à cet endroit. Notre pause est bien méritée : Alain nous sert un verre de cabernet-d’anjou bio du domaine de Bois Mozé, avec lequel il propose des balades œnologiques le vendredi soir, et un succulent jus de pomme bio de Saint-Rémy-la-Varenne.
Sternes, aigrettes et balbuzard pêcheur…
Particulièrement chanceux, nous observons un balbuzard en train de pêcher. Ce majestueux rapace migrateur clair, masqué de noir, se nourrit en effet de poissons qu’il saisit grâce à des serres antidérapantes ! Plus communes, les silhouettes élégantes des sternes et des aigrettes nous accompagnent. Sur les berges, des bergeronnettes grises et des petits gravelots trottinent.
Nous croisons le bateau du dernier pêcheur professionnel, qui capture anguilles, aloses et saumons, selon la saison, avec différentes techniques : au barrage, au guideau… Nous replions la voile de 40 m2 et faisons demi-tour à l’île aux Mouettes. Un martin-pêcheur se pose sur une branche à l’extrémité de l’île de Baure. Au loin, nous apercevons l’église de Saint-Eusèbe, juchée sur le coteau de Gennes. Nous repassons devant le Thoureil.
En amont, les rives sont plus sauvages, peuplées de forêts alluviales où s’épanouissent saules, frênes et érables negundo. Derrière l’île de Bessé, occupée par une héronnière, se déploie un réseau de boires, des bras de mort de la Loire qui évoquent les bayous de Louisiane. Prêts pour l’amarrage, nous retournons vers la cale Fraysse.
Cap vers Gennes
De retour sur la terre ferme, nous prenons la direction de Gennes, à 20 min en voiture en aval de Saumur, que nous visitons grâce au circuit patrimoine "L’homme, une nature entre deux eaux". Une lavandière du 19e siècle nous guide en différents points de la commune, peu de temps après la construction du pont qui relie désormais la ville à l’autre rive. Difficile aujourd’hui d’imaginer l’effervescence qui régnait alors sur le port.
Nous grimpons jusqu’à l'église Saint-Eusèbe aperçue depuis la toue, perchée à 40 m au-dessus du fleuve. Le site, transformé en lieu d’exposition, offre un panorama exceptionnel. Un mémorial rappelle les combats héroïques que les Cadets de l’École de cavalerie de Saumur menèrent en juin 1940, lors de l’avancée allemande sur la Loire. Dix-sept d’entre eux sont inhumés à l’entrée de l’église.
Le reste du parcours nous entraîne sur d’autres sites historiques, tels l’amphithéâtre gallo-romain, considéré comme le plus grand amphithéâtre antique de l’Ouest, le lavoir… L’estomac dans les talons, nous décidons d’aller pique-niquer au bord de l’étang de Joreau, classé "Réserve naturelle régionale". Pas moins de 47 espèces de libellules y ont été observées, dont certaines très rares.
Nous savourons en dessert un pâté aux prunes, une tourte de reines-claudes typiquement angevine achetée à peine sortie du four dans une boulangerie de Gennes.
Chênehutte-Trêves-Cunault, un ensemble classé
Repus, nous regagnons les rives de Loire pour explorer Chênehutte-Trêves-Cunault, qui regroupe trois "Villages de charme" également labellisés "Petite cité de caractère". Un parcours de découverte du patrimoine permet d’en approcher tous les joyaux à pied.
À Trèves, nous montons sur la motte féodale fortifiée au 11e siècle par Foulques Nerra. Arrivés dans le petit bois (qui dispose d’une aire de pique-nique), nous surplombons par une trouée la Loire et la tour de Trèves, dernier bastion d'une forteresse du 15e.
Chênehutte, une église romane entre Loire et coteau
Nous redescendons sur les bords de Loire et pénétrons dans la ravissante église Notre-Dame-de-la-Prée-des-Tuffeaux, au clocher typique de l’art roman (11e).
La porte latérale par laquelle nous entrons conserve sa triple archivolte, joliment décorée de feuilles d’eau et de dents de scie. L’intérieur est riche en détails, comme les cierges votifs évoquant les tailleurs de pierre et les mariniers.
L’après-midi touche à sa fin et nous empruntons un passage qui mène à la rue des Bateliers, au bout de laquelle se trouve la cale emblématique de ce village de mariniers.
C’est sur la Loire, fil conducteur de cette belle journée de pierre et d’eau, que nous regarderons le soleil se coucher.