Dans les vignes, la présence des loges évoque le labeur des vignerons, qui s’accordaient une pause dans ces petites constructions rustiques. Mais le travail physique n’était pas réservé aux hommes, comme en attestent les lavoirs où les femmes se retrouvaient au XIXe siècle, autant pour discuter que pour partager la pénible tâche de la lessive.
Balayée par les vents, la vallée de la Loire a été investie par les meuniers qui ont érigé leurs moulins dans toute la région. Parmi ceux-ci, le moulin-cavier est une spécificité locale, avec ses meules disposées en sous-sol et sa tour conique et maçonnée surmontée d’une cabane en bois. Cette silhouette emblématique du val d’Anjou se dresse surtout sur les coteaux et plateaux du Saumurois, mais aussi en rive droite de la Loire (de la Touraine aux portes d’Angers), dans la vallée de la Vienne et autour de Doué-la-Fontaine.
Si les moulins d’antan ne sont plus en activité, la production de fruits tapés, elle, n’a pas totalement cessé. À Rivarennes, la fabrication artisanale de ces fruits séchés se poursuit, dans le respect des techniques anciennes. En revanche, le pruneau de Tours n’est plus produit depuis longtemps, même à Huismes d’où il est originaire.
D’autres installations attestent de pratiques agricoles anciennes, comme les fours à chanvre ou les hangars à tabac. Tout au long du XIXe siècle, la culture du chanvre a fait la richesse de la région, en fournissant les matières premières pour la fabrication de toiles à voiles et de cordes. Mais le déclin de la marine de Loire entraîne aussi celui du chanvre… Quant à la culture du tabac, elle démarre après la seconde Guerre Mondiale et s’arrête une trentaine d’années après ; dans ce court laps de temps, le Val de Loire devient l’un des principaux producteurs en France.
Les loges de vigne et maisonnettes de jardin
Emblématiques des paysages viticoles du Parc, les loges de vigne sont de petites constructions qui servaient à ranger des outils et abriter le vigneron pendant sa pause. Difficile de savoir quand elles sont apparues. La plupart des loges de vignes visibles aujourd’hui ont été construites au XIXe siècle, mais une des plus anciennes du Parc, située à Beaumont-en-Véron, pourrait dater du XVIIe siècle. Ailleurs, quelques dolmens ont été utilisés comme abri, mais ce n’est évidemment pas leur fonction première. Il est hélas difficile de savoir à quand remonte cette reconversion…
Les loges de vignes sont des maisonnettes recouvertes d’une toiture d’ardoises, dotées d’une cheminée pour que le vigneron puisse s’y réchauffer et préparer son repas. Un anneau de métal, accroché à la façade, permettait d’y attacher le cheval. Ces dernières années, le Parc Loire-Anjou-Touraine a favorisé la restauration de ces modestes édifices.
Dans la région de Beaufort-en-Vallée, au nord-ouest du Parc, l’essor de l’horticulture a sans doute favorisé l’apparition de ces charmantes constructions, emblématiques du patrimoine du pays de Beaufort. Ces loges prennent l'apparence de véritables petits pavillons de plaisance. Pour les façades, on alterne l’utilisation du tuffeau et de la brique. Les toitures sont décorées d’une petite lucarne et parfois d’une girandole ou d’une girouette en zinc. Malheureusement, beaucoup de ces maisonnettes sont aujourd’hui abandonnées et menacées de destruction.
Les lavoirs, lieux emblématiques de la vie sociale
Autrefois lieux de socialisation privilégiés des femmes, les lavoirs étaient installés le long des cours d’eau et à proximité des fontaines. Contrairement à ce que leur nom laisse imaginer, ils servaient à rincer le linge. Le lavage (ou buée) ne nécessitait pas de grandes quantités d’eau et se faisait dans les buanderies communes ou dans les habitations. Le rinçage, en revanche, nécessitait de l’eau claire en abondance. Les lavandières se rendaient donc au lavoir, ou parfois directement dans la rivière : de nombreuses cartes postales anciennes les montrent s’affairer dans le lit de la Vienne ou de la Loire…
L’usage des lavoirs se développe surtout à partir du milieu du XIXe siècle avec la diffusion des idées hygiénistes. Ce sont des bâtiments ouverts ou de simples auvents, construits en pierre ou en bois, et au sol carrelé ou dallé. La toiture est à une seule pente, en ardoise ou en tuile, et parfois agrémenté d’une cheminée pour faire chauffer de l’eau.
À l’intérieur, les lavandières battent le linge sur des dalles inclinées, les genoux posés dans une boîte garnie d’un coussin.
Tous les lavoirs conservés aujourd’hui datent du XIXe ou du début du XXe siècle. Certains présentent des singularités : le lavoir de Mocrate, à La Tour-Saint-Gelin, est de forme polygonale, tandis que celui de la Philberdière à Restigné présente une façade de 18 mètres de long. Dans le bourg de Longué, une promenade aménagée sur les rives du Lathan permet de découvrir un ensemble d’une vingtaine d’anciens lavoirs privés.
Sur les principales rivières du Parc, comme la Loire et la Vienne, il existait même des bateaux-lavoirs à deux niveaux : on y battait le linge en bas, puis on le mettait à sécher à l’étage.
Moulins à chandelier et moulins-caviers
Facile à cultiver, le blé est l’une des principales productions céréalières des XVIIIe et XIXe siècles. Sa farine sert à fabriquer du pain ou des bouillies, à la base de l’alimentation populaire. Dans la vallée de la Loire, les meuniers ont tiré profit du vent de galerne (venu du nord-ouest) : les moulins font partie intégrante des paysages ligériens, et leurs vestiges jalonnent encore le territoire du Parc.
Apparus au XVe siècle, les moulins à chandelier sont reconnaissables à leur grande cabine en bois à deux niveaux. Sur le territoire du Parc, il ne subsiste que le moulin Goislard. Construit à Saint-Mathurin-sur-Loire au tout début du XIXe siècle, il est racheté en 1975 et déplacé sur la commune de La Ménitré, à une centaine de mètres de son implantation initiale. La cabine s’effondre au cours de la manœuvre, mais le moulin est reconstruit quelques années plus tard à l’identique.
Les moulins-caviers, typiques de l’Anjou et notamment du Saumurois, ont longtemps intrigué par leur morphologie atypique. Ils sont constitués de trois grands ensembles :
- « la masse », une structure massive maçonnée, abritant des salles voûtées où se trouvent les meules. Cette structure ressemble à une cave ; elle peut aussi être troglodytique, d’où le nom de « moulin-cavier » ;
- « le massereau », une élévation maçonnée de forme conique située au-dessus de la masse ;
- « la hucherolle » surmonte le tout. Cette cabine mobile qui porte les ailes du moulin est reliée au massereau par un pivot en bois.
- Le pivot relie les mécanismes de la hucherolle aux appareils de mouture.
On croise de nombreux vestiges ou spécimens restaurés sur le territoire du Parc : les mieux conservés sont à Turquant, Montsoreau, Varennes-sur-Loire ou Bourgueil.
Fruits tapés et pruneaux de Tours
Les fruits tapés sont une spécialité locale. La fabrication des pommes de Turquant (Anjou) et des poires de Rivarennes (Touraine) remonte au moins au XVIIIe siècle. Pelés, passés au four puis séchés sur des claies en osier, les fruits sont régulièrement et délicatement aplatis avec un marteau (la platissoire). Pour être consommés, ils doivent être réhydratés dans de l’eau ou bien du vin.
Cette technique de séchage permettait la conservation des fruits, notamment lors de longs voyages en bateau où ils venaient diversifier l’alimentation des marins et prévenir le scorbut.
Après l’épidémie de phylloxéra, les vignerons de la fin du XIXe siècle se tournent vers la production de fruits tapés, qui atteint alors son apogée. À Turquant, plus de 200 fours à pommes fonctionnaient à la veille de la première Guerre Mondiale. Mais le vignoble se reconstitue progressivement, et les méthodes de conservation des fruits se perfectionnent. C’est le déclin de cette activité. Dans les années 1980, deux fours sont rouverts à Turquant et Rivarennes et perpétuent depuis, la production artisanale de fruits tapés.
À Huismes, on produisait le fameux (mais mal nommé) « pruneau de Tours ». Pour le fabriquer, des prunes de variété Sainte-Catherine étaient chauffées à 5 ou 6 reprises dans des fours, pour en chasser toute l’humidité. À la dernière cuisson, la vapeur condensait en une fine pellicule blanche, appelée la fleur, qui distinguaient les pruneaux de Tours de ceux d’Agen. Ces fruits autrefois très renommés ont vu leur production décliner après la première Guerre Mondiale. Deux anciens fours à pruneaux sont encore visibles dans la rue de la Chancellerie.
Fours à chanvre et hangars à tabac
La culture du chanvre est ancienne et emblématique de la région, particulièrement entre Bréhémont (en Touraine) et La Daguenière (en Anjou). À Beaufort-en-Vallée, elle est attestée dès le XVe siècle ; mais c’est surtout aux XVIIIe et XIXe siècles qu’elle se développe, avec l'implantation en 1748 de la manufacture de toile à voile. L’usine fournit à la marine royale les toiles des voiliers et autres bateaux. Son activité cesse dès le XIXe siècle, mais pas la culture de chanvre : les chènevières de la vallée alimentent en matières premières d’autres manufactures de toiles et corderies de la région, d'Angers surtout, où les usines Bessonneau ont dominé le paysage industriel jusqu'au milieu du XXe siècle. Toutefois, le déclin de la marine de Loire après la Révolution Industrielle, ainsi que l’apparition de nouvelles matières textiles finissent par avoir raison du chanvre, progressivement remplacé par d’autres cultures.
Pour être tissé, le chanvre est d’abord roui : on le plonge dans l’eau pendant une dizaine de jours, afin d’en détacher les fibres. Il est ensuite mis longuement à chauffer à 70 °C dans un four, puis broyé. Enfin, l’étape du teillage sépare ce qui peut être filé du reste, et l’ensemble est conditionné en balles. Aujourd’hui, les fours à chanvre les plus remarquables et les plus accessibles se trouvent à l’Île Saint-Martin, entre Ussé et Huismes.
Enfin, la culture du tabac est une autre production spécifique de l’Anjou et de la Touraine, dont le développement date de l’après seconde Guerre Mondiale. Dans les années 1950, le département du Maine-et-Loire est le premier producteur de tabac de la France de l'Ouest. Mais cette culture décline assez rapidement, pour disparaître dans les années 1980. Dans la campagne, on croise encore les grands hangars en bois qui servaient de séchoir à tabac à Huismes ou à Saché en Touraine.