Ah, la Loire ! Toute l’histoire de la région est étroitement liée à ce fleuve emblématique, le plus long de France. Serpentant sur plus de 1 000 kilomètres, il prend sa source en Ardèche et traverse 12 départements avant de se jeter dans l’Atlantique.
Le Parc est sillonné de nombreux autres cours d’eau, tous affluents de la Loire : le Cher, l’Indre, la Vienne, l’Authion et le Thouet, mais aussi le Layon au sud du territoire. L’omniprésence de l’eau a donné naissance à des paysages verdoyants, favorisés par la douceur du climat.
Au fil des crues et décrues, le fleuve et ses rivières ont déposé leurs sédiments dans la vallée, créant une mosaïque de sols dont certains, riches en limons sont particulièrement fertiles. Cette richesse a permis la culture de fruits, légumes, fleurs… mais également le développement de l’élevage dans les zones les plus humides et les plus argileuses. Ces prairies pâturées ou fauchées sont un paysage traditionnel des bords de Loire.
Située au cœur du Parc, la confluence Loire-Vienne est une étape incontournable du Val de Loire. On y trouve deux des « Plus Beaux Villages de France », Montsoreau et Candes-Saint-Martin. À Candes, un belvédère aménagé en haut du coteau offre une vue panoramique sur la confluence et ses environs.
Chaque affluent a ses caractéristiques propres : comme la Loire, la Vienne et le Thouet sortent assez facilement de leur lit. L’Indre est une rivière plus calme. Quant à l’Authion, c’est le cours d’eau le plus artificialisé du Parc. Au 20e siècle, il a fait l’objet d’aménagements hydrauliques importants pour permettre le développement du maraîchage et de l’horticulture dans le Val d’Authion.
Contrairement à une idée reçue, la Loire n’est pas le « dernier fleuve sauvage d’Europe ». Elle n’a certes jamais été canalisée comme le Rhin ou le Rhône, mais elle a fait l’objet d’aménagements constants (maintien d’un chenal navigable, endiguement…). Historiquement, la Loire pouvait inonder tout le Val d’Authion. Depuis le 12e siècle, de nombreux travaux l’ont contrainte petit à petit entre deux levées. Le voyageur qui circule le long de la Loire dispose d’un point de vue exceptionnel sur celle-ci. En effet, la levée de la Loire est aujourd’hui une route nationale, qui peut s’élever jusqu’à 10 mètres au-dessus de l’eau. D’autres projets grandioses ont été abandonnés comme par exemple la construction envisagée au début 19e d’un canal d’Orléans à Nantes, doublé d’un autre reliant la Vienne à la Maine (1804).
Approchez ! Les bords de la Loire et de ses affluents vous réservent une grande variété de paysages et d’ambiances, à découvrir de mille et une façons.
Un fleuve complexe entre crues et décrues
« Méfiez-vous de l’eau qui dort » : tel pourrait être la devise de la Loire, au comportement souvent imprévisible. Son régime hydraulique est un paradoxe à lui seul, puisqu’elle présente à la fois un débit moyen, voire médiocre, et des épisodes de crues exceptionnelles et parfois ravageuses. En cas de grands froids, elle peut même geler ! Ce qui caractérise la Loire, c’est donc la grande variabilité de ses écoulements : chaque année, entre Saumur et Angers, en dehors des épisodes exceptionnels, le débit moyen du mois de janvier est 6 à 7 fois plus important que celui du mois.
Le niveau de la Loire est principalement impacté par les pluies. Ses crues peuvent être d’origines océaniques, lorsqu’elles sont causées par des précipitations venues de l’Atlantique ; ou cévenoles, lorsque les pluies arrivent de la Méditerranée. Au sein du Parc Loire-Anjou-Touraine, les épisodes cévenols sont peu perceptibles et les crues sont plutôt océaniques. En revanche, les évènements les plus spectaculaires observés sur le territoire sont provoqués par la rencontre des précipitations venues de l’Atlantique et de celles arrivant de la Méditerranée (comme lors de la crue record de juin 1856).
Ces crues pourraient n’avoir aucune incidence pour l’Homme, mais celui-ci s’est depuis longtemps établi près du fleuve et de ses rivières. Ce choix s’explique par la présence des sols alluviaux, si propices à l’agriculture et à l’élevage. Toutefois, cela l’amène aussi à composer avec le risque inondation. Un tel événement peut se produire :
- par débordement, lorsque la rivière sort de son lit ou que les nappes phréatiques remontent ;
- par ruissellement en secteur urbain, quand l’eau ne peut pas s’infiltrer à cause de l’imperméabilisation des sols ou de la saturation du réseau d’évacuation des eaux pluviales ;
- par rupture des levées, quand la pression exercée par l’eau est telle que les digues cèdent.
Ouvrez l’œil : vous remarquerez les repères de crues visibles sur les façades des bâtiments publics et des maisons, comme à Candes-Saint-Martin et Montsoreau. Parfois simple trait sur un mur, parfois plaque commémorative, ces marques laissent imaginer l’ampleur des dégâts causés par la montée des eaux.
Un peu d’histoire : la construction de la « Levée de la Loire »
Depuis le Moyen Âge, l'Homme tente de se protéger des débordements du fleuve. Après une grande crue de Loire en 1150, Henri II Plantagenêt, comte d’Anjou et roi d’Angleterre, ordonne la construction d’une digue le long de la rive nord du fleuve. Les turcies, digues de terre, de pieux et de cailloux, sont alors renforcées et rehaussées. La levée de la Loire doit protéger la vallée d’Anjou, permettre la culture de ses terres fertiles et la sauvegarde des récoltes. Cette construction dure sept siècles !
À partir des bases médiévales, la levée est régulièrement rallongée, renforcée, rehaussée… Petit à petit, de plus en plus d’habitations sont construites tout le long. À plusieurs reprises, la Loire se trouve bien à l’étroit entre ces digues : en 1707, la levée d’Anjou cède. L'eau envahit le val et fait plusieurs milliers de victimes. Au 19e siècle, trois crues centennales se succèdent (en 1846, 1856 et 1866) et percent les digues à de multiples endroits. En 1856, la levée se rompt à la Chapelle-sur-Loire. Les eaux s’engouffrent dans une brèche de 150 mètres et submergent tout le val jusqu’à Trélazé, entraînant une grande misère dans la vallée.
Prêtez attention à la toponymie des lieux ! « La Brèche » à La Chapelle-sur-Loire, et le « Détour de la Brèche » à Chouzé-sur-Loire rappellent ces évènements majeurs.
À partir de cette succession d’évènements, les levées cessent d’être rehaussées pour limiter les risques en cas de ruptures et une nouvelle stratégie de protection est adoptée avec la construction de « déversoirs » : ces installations doivent permettre l’expansion des crues dans des zones non habitées pour en réduire l’impact. C’est toujours cette même stratégie qui est adoptée à travers la délimitation de nouvelles Zones d’expansion des crues (ZEC).
Aujourd’hui, la « Grande levée d’Anjou » court sur 70 kilomètres, de Saint-Michel-sur-Loire (37) aux Ponts-de-Cé (49). Les départements d’Indre-et-Loire et de Maine-et-Loire ont entrepris des travaux d’entretien et de confortement pour améliorer la sécurité des digues, et donc de ses riverains.
Exploitation du sable et abaissement du niveau de la Loire
Autrefois, la Loire divaguait largement entre ses rives. Aujourd’hui, elle coule plus bas, au fond d’un lit incisé. Cet abaissement du niveau de la Loire résulte principalement des aménagements pour la navigation (endiguement et creusement d’un chenal profond) et de l’extraction industrielle du sable démarrée au 20e siècle. Le reboisement progressif du Massif Central, suite à la déprise agricole, participe aussi à bloquer les sédiments en amont du bassin de la Loire. Le fleuve ne charrie donc plus autant de sables qu’autrefois : ce qui ne facilite pas le comblage du surcreusement.
Pour satisfaire aux besoins de l’industrie du béton, l’Homme a considérablement puisé dans les ressources du fleuve. Cette exploitation industrielle a accentué l’érosion des berges, fragilisant certains ouvrages (ponts, anciennes cales pour la batellerie…). Suite à l’effondrement du pont Wilson à Tours en 1978, l’extraction du sable dans la Loire est progressivement interdite.
Cet arrêt a entraîné le déplacement des carriers, des rivières vers les vals. L’apparition rapide de sablières transforme le paysage et bouleverse les écosystèmes. En fin d’exploitation, si ces sites sont bien aménagés, ils peuvent offrir de nouveaux biotopes propices aux canards et aux oies hivernant dans la région ainsi qu'aux tritons, grenouilles et autres batraciens. C’est le cas du lac de Rillé, construit en 1977 pour développer l’horticulture dans le Val d’Authion et classé aujourd’hui en Réserve naturelle.
Mais revenons à la Loire : avec la baisse de la ligne d’eau, celle-ci s’est déconnectée d’une grande partie de ses annexes hydrauliques. Les prairies inondables, marais, boires (bras ou anciens bras de la Loire où l’eau n’est présente qu’une partie de l’année) sont presque tous coupés du fleuve en étiage (débit minimal du cours d'eau). La majorité est même en assec, c’est-à-dire sans eau !
Or, ces zones humides abritent une flore très riche et constituent un lieu de reproduction idéal pour de nombreuses espèces animales. Leur assèchement menace directement la faune et la flore. Des travaux de restauration des boires ont donc été entrepris et les épis de navigation ont été en partie arasés entre Les-Ponts-de-Cé et Chalonnes (2009), pour permettre à ces écosystèmes de retrouver leur équilibre.
La Loire et le changement climatique
Les premiers effets du changement climatique s’observent dans les eaux de la Loire, dont la température a augmenté d’1,5 °C entre 1981 et 2003. Ce réchauffement devrait se poursuivre, et atteindre +2 °C d’ici à 2050.
Le Parc Loire-Anjou-Touraine est particulièrement exposé au manque d’eau : la moyenne annuelle des précipitations sur le territoire est inférieure à la moyenne nationale. Aussi, les conflits d’usage autour de cette ressource devraient s’accentuer dans les prochaines années.
De plus en plus prisée, la navigation sur la Loire risque de devenir difficile en période de fort étiage, à cause de la menace d’ensablement.
La chaleur et le faible niveau de l’eau ont d’autres effets délétères : en 2017 et 2018, la présence de cyanobactéries dans les eaux de la Loire, du Thouet et de la Vienne entraînent des risques sanitaires conséquents et l’interdiction de la consommation de poissons.
Avec la hausse des températures de l’air, l’évapotranspiration devrait s’accroître. De même, l’augmentation constante de la population dans les communes riveraines de la Loire devrait intensifier considérablement les consommations d’eau. La conjonction des deux phénomènes devrait donc entraîner une diminution significative des débits moyens ainsi que des débits d’étiage sur la Loire. À l'horizon 2071-2100, les prévisions sont une baisse de -53 % des débits d’étiage par rapport au siècle précédent. Pour autant, la fréquence et l’intensité des crues de la Loire et de ses affluents ne devraient pas diminuer…
Dans ce contexte, les travaux de restauration des boires de Loire, les aménagements destinés à réguler le débit des différentes rivières et l’attention portée à l’équilibre des écosystèmes seront cruciaux pour assurer une gestion durable de la ressource en eau.