La région compte plus d’un millier de kilomètres de galeries souterraines, initialement creusées pour extraire le tuffeau ou le falun, les deux roches emblématiques du territoire.
Pour parler des troglos, il est important de casser quelques idées reçues :
- Un habitant d’un troglos est un troglodyte, tandis que son habitat est une habitation troglodytique ou plus simplement un troglo.
- L’extraction du tuffeau s’effectue horizontalement, en galerie, à partir d’un front vertical comme le coteau. Celle du falun s’opère depuis le sol, à la verticale. Plus on creuse vers le bas, plus la cavité s’élargie et prend la forme d’une ogive monumentale.
Les monuments emblématiques du territoire sont en tuffeau. Le falun est aussi utilisé comme pierre à bâtir, mais uniquement autour de Doué-la-Fontaine. Ces roches ont également servi à la fabrication de sarcophages, à la production de chaux pour amender les terres agricoles…
Après des siècles d’exploitation, les carrières sont délaissées au début du XXe siècle. Mais ces sites ne sont pas abandonnés pour autant : à mesure que l’extraction de la roche décline, les cavités sont reconverties en champignonnières, en caves pour la vinification et plus récemment en sites touristiques où l’on redécouvre l’histoire de ces galeries souterraines. Même le Bioparc de Doué-la-Fontaine est installé dans une ancienne carrière de falun, ce qui en fait le seul zoo troglodytique au monde !
Généralement pourvus d’une unique salle, les troglos sont bien souvent des plus précaires. Comme dans toutes les habitations jusqu’au 19e siècle, le mobiliser est très réduit : un lit, une table et des chaises. Le reste est si possible taillé dans la roche : niche, placard, potager, évier ou encore cuve à buées pour les lessives..."
Depuis les années 1970, diverses associations œuvrent pour la sauvegarde et l’animation de ce patrimoine. De nouveaux usages (restaurants, musées, gîtes, lieux d’artisanat…) ont permis de revaloriser ces sites exceptionnels, tandis que certains sont réhabilités en logements.
Le tuffeau, pierre emblématique du territoire
Le tuffeau est une roche calcaire de couleur claire, voire parfaitement blanche, qui s’est formée par tassement et cimentation de sédiments marins vieux de 90 millions d’années. Ces sols calcaires ont valu au Saumurois le surnom d’« Anjou blanc », tandis que la moitié ouest du Maine-et-Loire, pays de l'ardoise et des sols de schistes, est appelée « Anjou Noir ».
Il sert pour la construction des habitations, des églises, châteaux et édifices publics. Du XVe au XIXe siècle, l’exploitation de la pierre de tuffeau se concentre dans les coteaux du Saumurois et du Chinonais, le long de la Loire et de la Vienne. Les rivières permettent son exportation hors de l’Anjou et de la Touraine : ainsi, la cathédrale de Nantes et le Parlement de Bretagne à Rennes ont été construits avec du tuffeau du Saumurois !
Certains calcaires de moindre qualité servent quant à eux à la fabrication de chaux, par calcination (cuisson à très haute température) dans des fours. En maçonnerie, la chaux permet de fabriquer du mortier. Au XIXe siècle, elle est aussi utilisée en agriculture pour diminuer l’acidité des sols et améliorer leur productivité. Les fours à chaux de Dampierre-sur-Loire, récemment restaurés, témoignent de cette production ancienne.
Au début du XXe siècle, l’extraction de tuffeau décline pour s’arrêter après la Seconde Guerre mondiale. La pierre de taille est remplacée par des matériaux plus modernes. Beaucoup de carrières sont abandonnées ; d’autres sont transformées en champignonnières dans les années 1960. Autour de Saumur, Chinon, Bourgueil et Azay-le-Rideau, des activités liées à la vinification ou à la vannerie (travail de l’osier) investissent les galeries dès la fin du XIXe siècle. L’activité d'extraction reprend à Saint-Cyr-en-Bourg dans les années 60 pour permettre la restauration de monuments historiques, comme l’abbaye de Fontevraud.
Le falun, roche de plaine
Le falun (aussi appelé « grison » dans la région) est une roche sédimentaire plus récente que le tuffeau, puisqu’elle date du Miocène moyen, il y a environ 12 millions d'années. À cette époque, la mer des Faluns recouvre le territoire du Parc Loire-Anjou-Touraine : en sédimentant, les dépôts de coquilles ont progressivement formé les couches de falun.
On trouve du falun principalement dans la région de Doué-la-Fontaine, mais aussi vers Sainte-Maure-de-Touraine et dans la vallée du Lathan. Les usages de cette pierre étaient semblables à ceux du tuffeau : construction et production de chaux pour la maçonnerie et l’amendement des terres agricoles. Du Ve au VIIIe siècle, à l'époque mérovingienne, le falun sert à la fabrication de sarcophages exportés, dans tout l’ouest de la France.
L’exploitation du falun est aujourd’hui totalement abandonnée. Certaines carrières sont devenues des champignonnières, tandis que d’autres ont été transformées en sites touristiques. Les Perrières, à Doué-la-Fontaine, proposent à la fois un centre d’hébergement et un parcours scénographique poétique, intitulé « Le mystère des faluns ».
Le troglodytisme de coteau
Le long de la Loire et de ses affluents, des galeries ont été creusées dans le coteau calcaire. Ce troglodytisme horizontal existe dans plusieurs régions de France, mais le Saumurois et le Chinonais en offrent une concentration exceptionnelle.
De Montsoreau à Saumur, le coteau est truffé de cavités. L’habitat troglodytique ne semblait pas réservé à une classe sociale particulière. Si beaucoup sont rudimentaires, certains arborent une façade en pierre de taille. À Turquant, Dampierre, Souzay-Champigny ou Parnay (la Côte Saumuroise), on trouve d’élégantes demeures seigneuriales creusées dans le coteau, avec leurs tours d’escaliers, leurs pigeonniers, leurs immenses cheminées… La Grande-Vignolle à Turquant est un magnifique exemple de logis seigneurial troglodytique, qui se visite librement tout au long de l’année. Il est en revanche dangereux de se promener dans les sites troglodytiques abandonnés. Les curieux se rendront au parcours troglodytique de Souzay-Champigny, où un fontis (puits d'effondrement) témoigne du risque dans certaines galeries.
À Chinon, le dernier coteau habité est évacué au début des années 1980. Par mesure de sécurité, les habitats souterrains sont démolis ou murés, mais on peut encore y admirer la chapelle troglodytique de Sainte-Radegonde. Non loin de là, à Azay-le-Rideau, la vallée troglodytique des Goupillières offre une immersion dans le quotidien des paysans du XIXe siècle. Le village troglodytique de Villaines-les-Rochers a également su tirer profit des qualités de cet habitat pour devenir la capitale de la vannerie.
Le troglodytisme de plaine
En France, le troglodytisme de plaine n’existe que dans la région de Doué-la-Fontaine. Il consiste à creuser verticalement dans le sol, en créant d’abord une cour – aussi appelée « carrée » ou « carrie » – dans laquelle on descend à l’aide d’une rampe (ou « courdouère » en Anjou). À partir de cette cour artificielle, on creuse son habitat dans la roche, qui se trouve de fait plus bas que le niveau initial du sol. Dans ce monde à l’envers, les jardins prennent donc place sur les toits !
Le village de Louresse-Rochemenier est un magnifique exemple de ce troglodytisme de plaine creusé dans le tuffeau. Il comprend deux anciennes fermes avec habitations, chapelle, celliers, greniers, écurie, bergerie, four à pain, puits… Meubles et outils du XIXe siècle viennent illustrer cette vie paysanne pas si lointaine.
Les amateurs de sculptures s’émerveilleront dans la Cave aux sculptures de Dénezé-sous-Doué, ou en visitant l’Hélice terrestre de Jacques Warminski. La galerie du peintre Richard Rak à Coutures, ou les habitations de la rue des Perrières à Doué-la-Fontaine sont d’autres sites troglodytiques poétiques.
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